2012 La vigie de l’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités au Canada – Rapport synthese de la Region de Vancouver

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Title

La vigie de l’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités au Canada – Rapport synthese de la Region de Vancouver

Authors

Paula Pinto
Vishaya Naidoo
Mihaela Dinca-Panaitescu

Traduction : David Fiset et Normand Boucher

Collaborators

BC Coalition of People with Disabilities
DRPI-Canada Monitoring Individual Experiences Theme:

  • Marcia Rioux, DRPI-Canada director
  • Normand Boucher, university leader
  • Steve Estey, community leader
  • Sandra Carpenter, community theme member
  • Isabel Killoran, university theme member

Publication Date

Copyright 2012

Disability Rights Promotion International Canada (DRPI-Canada)

Tous droits réservés. Publié en 2012.
Imprimé au Canada. Publié par DRPI-Canada

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Ce rapport a été financé par le rapport a été financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH). Le CRSH ne partagent pas nécessairement les vues exprimées dans ce document. La responsabilité de son contenu repose entièrement sur les auteurs.

Remerciements

Disability Rights Promotion International Canada (DRPI-Canada) tient à remercier son partenaire, BC Coalition of People with Disabilities (BCCPD), son directeur exécutif, Jane Dyson, et la monitrice Chloé Krause pour leur grand soutien à la réalisation de ce projet.

DRPI-Canada exprime sa sincère gratitude au coordonateur de l’équipe de moniteurs du site de Vancouver Sam Bradd, aux moniteurs Jennifer Anthon, Linda Bartram, Debbie Brkich, Lorraine Irlam, Chloé Krause, Tom McGregor, David Schaefer et Jewelles Smith, ainsi qu’à toutes les personnes ayant participé aux entrevues pour leur passion et leur engagement exceptionnels envers l’amélioration de la vie des personnes ayant des incapacités et des collectivités dans lesquelles elles vivent. En aucun cas, ce projet n’aurait été possible sans leur contribution et leur dévouement extraordinaires.

DRPI-Canada remercie également les membres représentants de la communauté et de l’université du thème 1 du projet portant sur la vigie des expériences individuelles – Normand Boucher, Sandra Carpenter, Steve Estey, Isabel Killoran et Marcia Rioux – pour leur contribution à la création de ce projet et leur soutien continu tout au long de sa réalisation. Un merci spécial à Normand Boucher, représentant universitaire du thème 1 sur la vigie des expériences individuelles, Marcia Rioux, chercheure principale de DRPI-Canada et Rita Samson, coordonnatrice du projet DRPI pour leur contribution inestimable à la formation des moniteurs. Un merci particulier à Normand Boucher qui a également facilité la tenue d’un groupe de discussion pour DRPI-Canada réunissant les moniteurs et les personnes interviewées afin d’obtenir une rétroaction sur la première version du rapport.

Mon mari m’a quittée quand je suis devenue handicapée. Il m’a dit que c’était trop dur pour lui à accepter. (DVC06, Femme, 57 ans)

Je ne sors pas beaucoup car il n’y a généralement pas d’accompagnateur disponible lorsque je veux faire quelque chose durant la journée. Les gens ont leur vie, de sorte qu’il est très difficile de trouver quelqu’un pour accompagner quelqu’un comme moi en fauteuil roulant inclinable… cela affecte ma façon m’habiller et des trucs comme ça. Donc, l’aide que j’ai, c’est tellement minime, c’est comme 6 heures par semaine. C’est à peine suffisant pour faire un repas que tu peux mettre dans le réfrigérateur ou le congélateur, faire la lessive, changer le lit et prendre une douche. (DVB04, Femme, 63 ans)

J’utilise un fauteuil roulant manuel pour me déplacer et je pense que nous sommes chanceux ici dans le Lower Mainland en Colombie-Britannique, parce qu’en général, c’est très accessible pour les personnes qui utilisent un fauteuil roulant. De plus en plus de changements sont faits aussi pour améliorer la vie des personnes ayant d’autres types d’incapcités que les incapacités motrices. (DVC12, Homme, 61 ans)

Ils savent que j’ai un handicap, ils savent que je suis sourde, mais ils ne pensent pas nécessairement à s’ajuster aux besoins d’une personne sourde ou de toute autre personne ayant une incapacité. Donc, je sais que si je voulais avoir une promotion ou être pris en considération pour une promotion, on me dirait que je ne peux pas à cause de mon handicap, parce que je ne serais pas en mesure d’utiliser un téléphone, par exemple. (DVE01, Femme, 41 ans)

Je pense que j’ai beaucoup progressé depuis que je travaille ici et que j’ai trouvé la reconnaissance que je n’aurais pas forcément trouvé ailleurs. Il y a beaucoup d’autres personnes ici qui ont aussi des incapacités et pourtant cela ne les empêche pas de profiter pleinement de leur vie… et d’agir ou d’être responsables de certaines choses. (DVi01, Homme, 50 ans)

Introduction

Contexte du projet

Le Canada est signataire d’un certain nombre de traités internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris de la plus récente Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées. Les Canadiens ayant des incapacités devraient donc avoir droit, et ce, peu importe où ils vivent, aux mêmes droits et libertés accordées à tous les autres citoyens. Les études de suivi sont essentielles pour mesurer la manière dont les engagements pris par le Canada sur papier sont traduits concrètement sur le terrain.

Financé par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), DRPI-Canada est un projet de recherche participatif qui travaille à établir un système durable de vigie de l’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités au Canada. Le projet utilise une approche basée sur les droits humains mettant en lumière la façon dont la discrimination systémique et l’exclusion sociale augmentent la vulnérabilité au chômage, à la pauvreté, l’abus et d’autres formes de discrimination et de conditions sociales inéquitables. La documentation des expériences de discrimination constituera une source d’information efficace susceptible d’orienter des changements sociaux et politiques visant l’amélioration de l’exercice des droits des personnes ayant des incapacités au Canada.

Le projet se base sur une approche holistique afin de développer un système durable de vigie de l’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités au Canada en intégrant quatre domaines prioritaires: la vigie des expériences individuelles (la collecte d’informations sur les situations réelles d’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités dans les collectivités où elles vivent), la vigie des médias (l’examen des représentations du handicap et des personnes ayant des incapacités dans les médias), la vigie systémique (l’examen de l’efficacité des lois, des politiques et programmes dans la protection des droits des personnes ayant des incapacités) et des enquêtes populationnelles (l’examen des informations recueillies par les enquêtes nationales sur la situation des personnes ayant des incapacités dans une perspective de droits humains). DRPI-Canada est également fondé sur les principes généraux qui sous-tendent les droits humains: la dignité, l’autonomie, la non-discrimination, l’inclusion, le respect de la différence et l’égalité.

Ce rapport porte sur les activités effectuées au sein du thème 1 du projet portant sur la vigie des expériences individuelles. Ces activités de vigie ont été réalisées dans quatre sites, choisis pour refléter la diversité sociale et culturelle du Canada: la ville de Québec, Saint-Jean de Terre-Neuve, Toronto et Vancouver. Ce rapport présente les données recueillies à partir du site de Vancouver.

Partenaires et personnes impliquées

À Vancouver, les activités de vigie ont été réalisées en partenariat avec la BC Coalition of People with Disabilities (BCCPD) qui a assumé la direction de chacune des étapes de la vigie. Depuis plus de 30 ans, la BCCPD représente les intérêts des personnes ayant des incapacités en Colombie-Britannique. Sa mission est de sensibiliser la population sur les questions touchant la vie des personnes ayant des incapacités et faciliter leur participation sociale active dans la communauté.

La BCCPD a assumé la coordination de toutes les activités de vigie (le recrutement de moniteurs et des participants, la collecte des données, etc.) par l’intermédiaire d’un de ses employés, Sam Bradd, qui a assuré la supervision de l’équipe de moniteurs. Huit personnes ayant des incapacités – Jennifer Anthony, Linda Bartram, Debbie Brkich, Lorraine Irlam, Chloé Krause, Tom McGregor, David Schaefer et Jewelles Smith – ont été formées comme moniteurs lors d’un séminaire de formation qui a eu lieu à Vancouver en mai 2009. Pendant la formation, les moniteurs ont acquis des compétences précieuses sur la façon de mener des entrevues sur le terrain (ex. : techniques d’entrevue spécifiques, utilisation du guide d’entrevue DRPI, consentement libre et éclairé des participants, protection de la confidentialité des données). Ils ont également eut l’occasion de pratiquer les techniques d’entrevue entre eux et avec des personnes ayant des incapacités de la communauté locale.

Approche méthodologique

Les données ont été collectées lors d’entrevues individuelles avec des personnes ayant divers types d’incapacités afin de documenter leurs expériences de vie en matière de déni des droits humains. Après avoir reçu l’approbation éthique de l’Université York, 41 entrevues ont été menées par les moniteurs, soit des personnes ayant elles-mêmes des incapacités. Tous les participants ont eu à signer un formulaire de consentement éclairé pour participer à l’étude. Le recrutement des participants a été réalisé par la BCCPD qui a utilisé une approche mixte. Initialement, la technique d’échantillonnage boule de neige a été utilisée. Cette stratégie est reconnue pour sa capacité à recruter des groupes de population difficiles d’accès (Lopes et al., 1996). À la fin de chaque entrevue, les participants ont été invités à référer d’autres personnes qui répondent aux critères d’échantillonnage. Les personnes identifiées ont ensuite été contactées et une entrevue a été organisée. Cette stratégie a été réitérée à plusieurs reprises jusqu’à ce que la taille de l’échantillon souhaitée ait été atteinte. En second lieu, afin de recruter également des personnes davantage isolées et généralement pas intégrées dans des réseaux sociaux, la technique boule de neige a été complétée par le recrutement dans les réseaux de contacts de notre partenaire. La taille de l’échantillon a été jugée appropriée et s’explique par la nature de cette étude qui consiste principalement en une compréhension approfondie du sens, du contexte et des dynamiques inhérents à l’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités. Dans cette perspective, une approche qualitative employant des entrevues de fond avec un échantillon relativement petit a été favorisée par rapport à une approche quantitative disposant d’un grand échantillon statistiquement représentatif.

Chaque entrevue a duré en moyenne deux heures et a été réalisée en utilisant un guide d’entrevue préalablement mis au point par le volet international du projet DRPI et adapté au contexte canadien par l’équipe de DRPI-Canada. Les entrevues de type semi-structuré débutaient par deux grandes questions:  Quelles choses avez-vous trouvé les plus satisfaisantes dans votre vie au cours des cinq dernières années? et Quels sont les défis ou les obstacles les plus difficiles auxquels vous avez eu à faire face dans votre vie ?

De manière générale, les personnes interviewées identifiaient deux ou trois situations clés que les moniteurs utilisaient afin d’engager une conversation et approfondir les expériences vécues par les participants dans le but d’explorer leurs liens avec les principes des droits humains. Une fois réalisées, les entrevues ont été transcrites, codées en utilisant un schéma de codage mis au point par DRPI, puis analysées à l’aide du logiciel NVivo 8. Le processus de codification a été supervisé par deux chercheurs expérimentés qui ont assuré l’inter-fiabilité et la cohérence de la codification en comparant et contrastant les extraits codés tout au long du processus de codification.

Dans cette étude, cinq principes fondamentaux des droits humains – l’autonomie; la dignité; la participation, l’inclusion & l’accessibilité; la non-discrimination & l’égalité et le respect de la différence – ont été explorés en fonction des domaines clés de l’exercice des droits des personnes ayant des incapacités. Les domaines clés considérés dans cette étude sont les suivants: la participation sociale; la vie privée et familiale; l’éducation; le travail; l’information et la communication; l’accès à la justice; sécurité sociale et les services de soutien; et la santé, l’adaptation et la réadaptation.

Principaux Résultats

Expériences vécues en fonction des domaines d’exercice et des principes de droits humains

Dans l’ensemble, les résultats indiquent que les personnes ayant des incapacités vivent à la fois des situations positives et négatives dans l’exercice de leurs droits. Bien que les situations de déni de l’exercice des droits humains aient tendance à être plus mentionnées que les expériences positives, le fait que ces dernières aient également été identifiées peut signifier que, malgré certaines disparités, les personnes ayant des incapacités de la région de Vancouver peuvent s’attendre à l’amélioration des conditions de l’exercice de leurs droits.

La participation sociale, la sécurité du revenu et les services de soutien ainsi que le travail sont les domaines où les expériences négatives prédominent, alors que la famille constitue le foyer des expériences plus positives d’inclusion et de dignité humaine.

Pour les participants, la participation sociale ressort comme le domaine le plus mentionné comprenant le plus grand nombre d’extraits codifiés. En particulier, les personnes interviewées ont rapporté avoir vécu de nombreuses situations de dignité négative sur la base leurs incapacités lors d’interactions dans l’espace public. Ils ont également dénoncé des expériences d’exclusion liées à l’inaccessibilité de l’environnement bâti et des systèmes de transport. Dans un même temps, certains participants, cependant en plus petit nombre, ont rapporté des situations d’inclusion et de participation dans des activités sociales, culturelles et sportives, particulièrement lors d’expériences de dignité positive.

La sécurité du revenu et les services de soutien est un autre domaine où de nombreux obstacles ont été signalés. Selon les participants, le manque de services de soutien aux personnes ayant des incapacités fait obstacle à leur pleine et effective participation dans la communauté.

Dans le domaine du travail et de l’accès au marché du travail, des résultats intéressants et variés émergent avec une proportion élevée d’expériences tant positives que négatives. Alors que de nombreux participants ont mentionné faire face à des obstacles pour l’obtention d’un travail rémunéré, une proportion similaire a déclaré avoir été accommodée sur leur lieu de travail.

En comparaison avec les autres domaines, celui de la vie familiale comprend essentiellement des expériences positives. Environ un participant sur deux s’est senti valorisé et soutenu dans sa vie de famille et ses relations interpersonnelles.

En ce qui concerne l’éducation, les résultats étaient ambigus: alors qu’un tiers des personnes interviewées a déclaré se sentir inclus, une proportion tout aussi élevée a signalé des obstacles et des situations d’exclusion à l’école et dans le système d’éducation supérieure. Pour la plupart de ces situations, les principales causes d’exclusion étaient en lien avec des expériences d’inaccessibilité et d’absence de mesures de soutien appropriées en tant que.

Le domaine de la santé, l’adaptation et la réadaptation est caractérisé par de nombreuses expériences vécues de dignité négative lors de situations d’inaccessibilité aux services de santé. En particulier, les personnes ayant des incapacités psychiatriques et d’autres participants qui utilisent des services psychiatriques ont rapporté plusieurs situations de non-respect en raison de leurs incapacités lorsqu’ils recourraient au système de santé.

L’accès à la justice et l’accès aux systèmes d’information et à la communication sont deux autres domaines d’exercice des droits où les personnes ayant des incapacités vivent de nombreuses situations d’inégalités et d’exclusion. Le manque de services de soutien adéquats pour les personnes ayant divers types d’incapacités, telles que sensorielles et cognitives, mène celles-ci à vivre des situations d’exclusion dans les espaces de communication, ayant ainsi un impact négatif sur la dignité et de l’estime de soi. Des situations de dignité négative ont également été soulignées par les participants en lien avec l’accès à la justice. En effet, les principales causes d’exclusion du système juridique s’expliquent par des obstacles d’ordre financier et législatif.

Faisant face à divers obstacles, la plupart des participants ont ciblé des facteurs économiques comme principale cause de discrimination, percevant le système économique comme un obstacle majeur à l’exercice de leurs droits.

En dépit de leurs expériences négatives avec la justice, les participants tendent à adopter une attitude proactive lors de situations de discrimination. En effet, plus des trois quarts des personnes interviewées a choisi de dénoncer ou de déposer une plainte officielle après avoir vécu une situation de déni de l’exercice des droits. Ceux n’ayant pris aucune mesure officielle affirment croire qu’aucune action formelle n’est susceptible de changer efficacement leur situation.

Analyses Intersectorielles

L’étude a également exploré l’influence du genre et de l’âge 1 sur l’exercice des droits des personnes ayant des incapacités afin de contextualiser davantage la compréhension de leurs expériences.

Note #1
Il n’était pas possible de procéder à l’analyse par types d’incapacités en raison de la faible représentation des différents types d’incapacités pris indépendamment dans l’échantillon.
Return

Le genre constitue un facteur qui influence l’exercice des droits des participants dans les domaines, bien que de manières différentes, de la vie privée et familiale, de la santé, l’adaptation et la réadaptation, l’éducation et l’accès à la justice. Les hommes ont tendance à signaler davantage des situations de discrimination et de mauvais traitements que les femmes dans le domaine de l’accès à la justice, tandis que les femmes ont plutôt tendance à dénoncer des situations de discrimination dans le domaine de la santé, l’adaptation et la réadaptation et de l’éducation. Les femmes ont également mentionné davantage de situations de soutien dans le domaine de la vie familiale que les hommes.

L’âge semble influencer les expériences de vie des participants particulièrement en regard des domaines suivants: le travail, la vie privée et familiale et l’accès à la justice. Alors que les jeunes ont fait principalement mention de situations en relation avec le travail et la vie familiale, les participants plus âgés ont été les seuls à faire part de situations en lien avec l’accès à la justice et semblent également vivre plus de situations d’auto-détermination que les jeunes.

Recommandations

La vigie de l’exercice des droits des personnes ayant des incapacités permet de mesurer l’écart entre les garanties offertes par la loi et l’exercice effectif des droits des personnes ayant des incapacités dans les situations de vie quotidiennes. Les données recueillies à travers les activités de vigie ont pour rôle d’influencer le changement politique permettant l’amélioration de la justice sociale et de l’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités.

Les résultats de cette étude mettent en évidence l’étendue des problèmes auxquels les personnes ayant des incapacités de Vancouver font face pour exercer leurs droits. S’appuyant sur ces données et des discussions tenues avec les membres de la communauté des personnes ayant des incapacités de Vancouver, les recommandations suivantes ont été proposées pour améliorer leur exercice des droits humains en Colombie-Britannique:

1. Augmenter le niveau de revenu et revoir les règles d’éligibilité concernant le programme provincial d’aide au revenu afin de garantir le droit à une vie décente à toutes les personnes ayant des incapacités de la province.

Cette étude a démontré que de nombreuses personnes ayant des incapacités de Vancouver ont des revenus précaires. Le soutien financier offert par le programme d’aide au revenu est jugé insuffisant pour faire face au coût de la vie dans la province. La précarité du revenu crée de nombreux obstacles pour les personnes ayant des incapacités, y compris des difficultés importantes lorsque vient le temps de trouver un logement adéquat. L’inaccessibilité des logements adéquats est un problème important dans la région de Vancouver comme en témoignent les taux élevés de personnes sans-abri dans la ville, dont beaucoup sont des personnes ayant des incapacités. Vivre dans la précarité crée un cercle vicieux menant à la marginalisation, l’isolement et l’exclusion et ajoute une pression supplémentaire sur la santé mentale et physique des personnes ayant des incapacités.

À l’instar d’autres provinces (le Québec par exemple), les droits sociaux et économiques doivent être plus fortement protégés en Colombie-Britannique. Dans le système actuel, il est difficile pour les personnes ayant des incapacités d’accéder à ce dont ils ont besoin. Cette situation projette ces personnes dans l’insécurité plutôt que de les encourager à participer socialement. Par exemple, le nombre de restrictions imposées aux demandeurs et bénéficiaires de prestations quant au niveau de revenus et d’actifs qu’ils sont autorisés à avoir a pour effet de décourager les personnes ayant des incapacités en recherche d’emploi ou vivant dans des relations intimes avec un partenaire. La province est donc invitée à améliorer le niveau de soutien financier et d’examiner les règles actuelles concernant l’accès aux allocations de solidarité sociales (assistance sociale) en raison d’invalidité.

2. Stimuler et soutenir l’emploi des personnes ayant des incapacités en créant des programmes de soutien pour les employeurs qui embauchent des personnes ayant des incapacités et pour personnes ayant des incapacités elles-mêmes en milieu de travail.

L’accès et le maintien à un emploi bien rémunéré est essentiel pour jouir d’un niveau de vie adéquat. Les données de cette étude suggèrent que les personnes ayant des incapacités de Vancouver font face à des obstacles importants en matière d’emploi. En effet, malgré le haut niveau de scolarisation des personnes interviewées – plus de 58% ont un diplôme post-secondaire – seulement 41% d’entre eux occupaient un emploi au moment de l’entrevue. Les données statistiques disponibles en Colombie-Britannique montrent en outre qu’elles participent beaucoup moins à la force de travail que les personnes sans incapacités (64,6% vs 78,5%). Cela représente une sous utilisation de ressources humaines, une situation qui exige d’être inversé. La province est donc invitée à créer un système de mesures incitatives et de soutien aux employeurs afin qu’ils emploient des travailleurs ayant des incapacités et leur fournissent le soutien dont ils peuvent nécessiter.

3. Envisager la création d’un poste de vérificateur travaillant spécifiquement sur les questions de discrimination liée au handicap.

À tous les niveaux de la société, y compris au niveau gouvernemental, les personnes ayant des incapacités vivent des situations d’inégalités et de discrimination. Par exemple, de nombreux sites Internet ne répondent pas aux normes d’accessibilité pour les personnes ayant des incapacités visuelles. Une plainte a déjà été portée devant les tribunaux sur cette question et le demandeur a gagné. Malheureusement, le gouvernement a tenté d’en limiter l’application et a lancé la cause en appel à la Cour suprême en vue de modifier la décision. Dans ce processus, des ressources importantes sont inutilement consacrées alors qu’elles pourraient être davantage utilisées à la mise en œuvre des normes d’accessibilité en conformité avec les principes des droits humains et des normes internationales. Par conséquent, un examen approfondi devrait être accordée à la création d’un nouveau mécanisme – un vérificateur ou un organisme de médiation – travaillant spécifiquement sur les questions de discrimination liée au handicap dans le but d’assurer et de contraindre le gouvernement à respecter ses engagements relatifs aux droits humains.

4. Améliorer le système de transport HandyDART pour soutenir la mobilité et la participation sociale des personnes ayant des incapacités.

La participation sociale est apparue comme le domaine d’exercice des droits le plus important pour les participants de cette étude. Dans ce domaine, entre autres, les personnes interviewées ont spécifiquement mentionné des situations d’exclusion liées à l’inaccessibilité du système de transport, y compris le système de transport adapté HandyDART. Le nombre d’heures de disponibles du service HandyDART ne répond pas à la demande et le service n’équivaut pas au système de transport public ordinaire. Les personnes ayant des incapacités qui ont besoin du service HandyDART attendre trop longtemps pour obtenir le service et sont souvent incapables d’aller à l’épicerie, à leurs rendez-vous médicaux ou de se rendre au travail à temps, ce qui affecte gravement la qualité de participation effective à la vie sociale et économique. Une réforme urgente du système de transport HandyDART et surtout une augmentation de l’offre d’heures de service est nécessaire pour soutenir la mobilité et la participation sociale des personnes ayant des incapacités de la région métropolitaine de Vancouver.

5. Investir maintenant dans les services de soutien aux personnes ayant des incapacités permettrait des économies d’argent dans le futur.

Près de trois personnes sur quatre dans cette étude ont abordé les obstacles et défis de l’accès aux services de soutien aux personnes ayant des incapacités, ce qui provoque de graves impacts dans divers aspects de la vie des gens, allant de la possibilité de profiter d’une bonne santé à l’obtention d’une éducation et d’un emploi adéquats, jusqu’à la possibilité de vivre pleinement leur vie. Comme cette étude le démontre, le manque de mesures de soutien et de compensation destinées aux personnes ayant des incapacités participe à l’isolement et à la marginalisation de cette population et favorise la dépendance personnelle et économique. Le sous-financement des services de soutien aux personnes ayant des incapacités affecte la disponibilité et la qualité de la prestation des services et favorise, en refusant de mettre à la disposition des personnes les moyens de vivre une vie autonome, les risques d’accroissement des dépenses publiques.

Une offre suffisante de services de soutien aux personnes ayant des incapacités permettrait, au contraire, à davantage d’entre de se sortir de la pauvreté et d’améliorer leur qualité de vie. Elles seront ainsi en mesure de participer à des activités sociales, culturelles et économiques à part égale dans la société. Donc, allouer dès aujourd’hui des ressources suffisantes aux allocations sociales et aux services de soutien constitue une option intelligente qui permettra des économies dans l’avenir.

Concernant les prestations d’aide financière et les services de soutien, il est également important d’assurer le choix et le contrôle des usagers ou utilisateurs ainsi que de garantir des solutions flexibles et individualisées plutôt que des services standardisés strictement contrôlés par des agences. Il est essentiel de consulter les personnes ayant des incapacités et leurs organisations en les impliquant directement dans les prises de décisions sur les questions qui les concernent et de répondre de manière adéquate à leurs besoins en matière de services de soutien.

6. Améliorer les soins et services et réduire la stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale.

Les personnes ayant des incapacités psychiatriques sont largement stigmatisées et font régulièrement face à des expériences de discrimination dans la société. Comme cette étude l’indique, beaucoup d’entre elles sont incapables d’obtenir ou de conserver un emploi et n’ont pas un revenu suffisant pour vivre dignement. En outre, les services de santé mentale sont sous financés comparativement aux autres services du système de santé de la région, ce qui affecte la disponibilité et la qualité des services offerts. Le gouvernement est donc invité à adopter des mesures pour accroître la sensibilisation et la compréhension des problèmes de santé mentale et à contrer les représentations sociales stigmatisant les personnes ayant des incapacités psychiatriques. De plus, le gouvernement est également prié d’investir davantage dans les services de santé mentale. Le Canada a signé et ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et doit veiller à ce que les services offerts soient conformes à une approche basée sur les droits humains assurant ainsi le plein respect des personnes ayant des incapacités psychiatriques et leur assurant le choix, la dignité et le contrôle sur les services qu’elles utilisent.

7. Utiliser les réseaux sociaux (ex. : Facebook) afin de sensibiliser les personnes ayant des incapacités au sujet de leurs droits.

Dans la société actuelle, les réseaux sociaux jouent un rôle important dans la communication. Ce potentiel devrait également être exploité par la communauté des personnes ayant des incapacités. Beaucoup d’entre elles n’ont pas encore connaissance de leurs droits et vivent de manière très isolée. Avoir accès à un forum pour échanger sur leurs expériences, raconter leurs histoires et apprendre les uns des autres pourrait être une étape importante vers la réalisation de leurs droits.

Les réseaux sociaux (ex. : Facebook) devraient être utilisés davantage pour promouvoir et accroître les communications entre les personnes ayant des incapacités de même que pour diffuser les résultats des études de vigie de l’exercice de droits humains, non seulement dans la province de la Colombie-Britannique ou même au Canada, mais aussi au niveau international.

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