2011 La vigie de l’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités de la région de Québec – Résumé du rapport

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Title

La vigie de l’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités de la région de Québec – Résumé du rapport

Authors

Normand Boucher (PhD) et David Fiset (MA)

Publication Date

Juin 2011

Publié par: Centre interdisciplinaire de recherche en réadaptation sociale et intégration (CIRRIS) et DRPI Canada

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Remerciements

La réalisation de cette étude n’aurait été possible sans la participation active de partenaires locaux. Nous tenons d’abord à remercier M. Olivier Collomb d’Eyrames du Regroupement des Organismes de Personnes handicapées de la région 03 (ROP 03) qui a collaboré au projet à titre de coordonateur de l’équipe de moniteurs. Son implication dynamique a été d’une importance capitale pour le recrutement de participants, la planification des entrevues et la coordination des moniteurs. Nous désirons également remercier les moniteurs Mirlande Demers, Rachel Filion, Réal Guérette et Raynald Pelletier pour leur dévouement et leur générosité. La réalisation des entrevues a été une tâche complexe et exigeante à la quelle ils ont consacré beaucoup de temps. Nous remercions particulièrement Mirlande Demers qui nous a tristement quittés peu après le dénouement du processus d’entrevues. Enfin, nous transmettons notre sincère reconnaissance aux personnes qui ont participé à l’étude en donnant de leur temps et acceptant de partager leurs expériences de vie, parfois tristes et difficiles à se remémorer, d’autres fois heureuses.

Un remerciement spécial est adressé à nos collègues de DRPI à Toronto, principalement Paula Pinto (stagiaire postdoctorale), Mihaela Dinca-Panaitescu (coordonatrice du projet), Rita Samson, (coordonnatrice DRPI International) et Marcia Rioux (Co-directrice du projet DRPI-International et chercheure principale de DRPI-Canada). Nous les remercions pour leur soutien scientifique, technique et financier. Finalement, nous remercions le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) ainsi que le Centre Interdisciplinaire de Recherche en Réadaptation et Intégration Sociale (CIRRIS) pour avoir financièrement soutenu la réalisation du projet à Québec.

Présentation des membres de l’équipe de la vigie de Québec

Raynald Pelletier dans son fauteuil roulant devant des collègues
Raynald Pelletier
Photo Portrait de Rachel Filion
Rachel Filion
Mirlande Demers et Réal Guérette avec des micros devant le public
Mirlande Demers et Réal Guérette
Olivier Collomb d'Eyrames et Normand Boucher d'avoir une conversation
Olivier Collomb d’Eyrames et Normand Boucher

Avant-propos

C’est sur l’invitation de l’ancien Rapporteur spécial concernant le handicap pour les Nation Unies (1994-2002), M. Bengt Lindqvist, que c’est tenu, en 2000, le séminaire international sur les droits humains et le handicap à Almåsa en Suède. L’objectif poursuivi était que les organisations internationales de personnes handicapées, les experts en droits humains et les représentants de l’ONU participant à cet événement parviennent à établir un ensemble de lignes directrices concrètes afin de soutenir les groupes de défense des droits des personnes ayant des incapacités dans l’identifications et la déclaration des violations des droits humains. Comme le soulignait le Dr Lindqvist aux participants du séminaire, les portes du système des droits humains sont aujourd’hui ouvertes et il n’y a plus d’obstacle empêchant le recours aux standards internationaux sur les droits humains pour les personnes ayant des incapacités – le monde entier se trouve en attente d’une réaction des acteurs faisant partie du champ du handicap. L’une de ces réactions a conduit à la création du projet Disability Rights Promotion International (DRPI).

Le projet D.R.P.I. s’inscrit dans un cadre international et vise à établir une vigie de l’exercice des droits des personnes ayant des incapacités. Depuis sa création en 2002, le projet se déploie activement et plusieurs équipes de moniteurs et monitrices sont à l’œuvre dans divers pays tels que l’Australie, le Cameroun, l’Inde, le Kenya, la Bolivie, les Philippines, la Suède et le Canada. Ces équipes travaillent à documenter, sur la base des principes des droits humains, la situation globale des personnes ayant des incapacités face à l’exercice de leurs droits fondamentaux. Cette initiative contribue, tant au Canada qu’à l’international, à élargir l’état des connaissances à l’aide de données probantes concernant l’exercice et le respect des droits des personnes ayant des incapacités. Au Canada, les activités de vigies ont été rendues possibles grâce au financement du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) dans le cadre du programme des Alliances de recherche universités-communautés (ARUC).

Nous souhaitons que ce rapport de la vigie de l’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités de la région de Québec, une des quatre vigies de DRPI-Canada, puisse constituer une riche source d’information permettant de soutenir les acteurs du milieu associatif dans leur mission de défense des droits des personnes ayant des incapacités. Nous souhaitons également que les activités réalisées dans le cadre de cette vigie puissent être réappropriées par les personnes ayant des incapacités de la région elles-mêmes afin qu’elles poursuivent à promouvoir et exercer leurs droits.

Introduction

Depuis 2006, des personnes ayant des incapacités de la région de Québec ont participé au projet Disability Rights Promotion International – Canada (DRPI-Canada), une étude internationale dirigée par Marcia Rioux de York University et qui vise à établir une vigie de l’exercice des droits humains par et pour les personnes ayant des incapacités. Plusieurs pays (Australie, Cameroun, Croatie, Inde, Kenya et Suède) collaborent à ce projet afin de documenter, selon une approche basée sur les principes des droits humains, la situation globale des personnes ayant des incapacités face à l’exercice de leurs droits fondamentaux. Cette vigie est effectuée à partir de quatre thèmes : I) les expériences individuelles (expérience personnelle); II) le traitement médiatique (couverture du handicap); III) l’analyse systémique (lois et politiques) et IV) les enquêtes statistiques (informations recueillies par les études populationnelles).

Au Canada, quatre sites de vigie sont impliqués dans ce projet, soit Québec, Toronto, St-John et Vancouver. La réalisation de cette étude se fait en collaboration avec des organismes locaux partenaires dans le but d’intégrer des gens de la communauté au projet et de les former de manière à assurer le maintien des activités de vigie des droits des personnes ayant des incapacités. Cette participation des organismes locaux partenaires est particulièrement importante pour le premier thème de cette étude.

C’est avec grand plaisir que nous vous invitons à prendre connaissance de cette synthèse des résultats issus de cette étude et à poursuivre les activités de vigie de l’exercice des droits des personnes ayant des incapacités.

Section I: Les principes fondamentaux des droits humains

Note #1
Le texte de la Convention des Nations Unies
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Le projet D.R.P.I. documente l’exercice des droits à l’aide des principes généraux relatifs aux droits humains tels qu’énoncés dans la Convention relative aux droits des personnes ayant des incapacités1 de l’ONU: la dignité – l’autonomie – la participation, l’inclusion et l’accessibilité – la non-discrimination et l’égalité – le respect de la différence.

  • La dignité réfère à la valeur intrinsèque de chaque personne et désigne l’impact d’une expérience de vie particulière sur la manière dont une personne se perçoit.
  • L’autonomie est le droit d’une personne d’être placée au cœur de toutes les décisions qui la concernent et de faire ses propres choix de façon indépendante.
  • La participation, l’inclusion et l’accessibilité concernent l’organi-sation des systèmes d’une société, tant publics que privés, afin de permettre à tous de participer pleinement et efficacement. Pour parvenir à la pleine participation, il faut créer un milieu physique et social accessible et sans obstacles.
  • La non-discrimination et l’égalité. Selon le principe de non-discrimination, tous les droits sont garantis à chacun sans distinction, exclusion ou restriction axée sur l’incapacité ou la race, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la propriété, la naissance, l’âge ou tout autre état. Selon le principe d’égalité, il faut créer les conditions sociétales qui respectent les différences, qui tiennent compte des désavantages et qui assurent une participation entière de toutes les personnes à conditions égales.
  • Le respect de la différence implique l’acceptation des personnes ayant des incapacités dans le cadre de la diversité humaine et de l’humanité et stipule que ce n’est pas à l’individu de changer, mais à l’État et la société civile d’accepter la diversité et répondre à la différence représentée par l’incapacité.

Les expériences vécues par les participants de la région de Québec sont majoritairement des situations de déni et de violation des droits de l’homme. En effet, à l’exception d’expériences de Participation, d’inclusion & d’accessibilité (100%), les expériences de vie rapportées dénoncent des situations de non-respect de la différence (100%), de dignité négative (96%), de manque d’autonomie (89%), d’exclusion & inaccessibilité (87%) et discrimination et inégalité (85%).

Particip., Inclusion & Access.
100%
Exclusion & Innaccesibilité
87%
Respect de la différence
87%
Non respect de la différence
100%
Dignité positive
57%
Dignité négative
96%
Auto-détermination
37%
Manque d’autonomie
89%
Non-Discrim. & Égalité
15%
Discrimination & Inégalité
85%

Bien que les principes balisant l’exercice des droits humains aient un caractère indivisible et interdépendant, il est possible d’analyser une expérience de vie donnée sous la loupe de chacun de ces cinq principes pris indépendamment. En effet, chacun de ces principes réfère à une dimension distincte de l’exercice des droits humains. Par exemple, le principe de dignité s’échelonne sur un continuum allant de la dignité positive à la dignité négative, soit de la valorisation et l’estime de soi à la négation de la personne et au repli sur soi.

Expérience vécue de dignité négative :

Moi, depuis que je suis tombée en fauteuil roulant, j’ai presque pas sorti de la maison. À toutes les fois que je sortais, y’avait toujours quelqu’un : Je te sers pas, tu prends trop de place. Tu rentres pas dans la porte, tu devrais laisser ton quadriporteur dehors. Pourquoi sortir pour se faire dire des choses de même ? Je me retournais de bord, j’allais m’acheter des beignes, je me bourrais de chocolat pis je m’en venais bouder. T’sais, j’ai autant de droits que toi. (DQD07, Femme, 44 ans)

Expérience vécue de dignité positive:

Je pense que j’ai beaucoup de chance de pouvoir travailler dans un [milieu] qui rejoint totalement mes valeurs féministes. Je trouve que c’est assez extraordinaire. Oui, pis j’ai demandé à travailler trois jours par semaine pis c’est ce que j’ai. Je trouve que c’est beaucoup de chance de pouvoir faire ce qu’on veut, ce qu’on aime pis ce qui nous ressemble. J’ai de la chance de faire des voyages, j’ai des vacances. Voilà. J’ai des amis autour de moi, j’ai une famille en santé. C’est merveilleux. Tout va bien (rires). (DQC16, Femme, 53 ans)

Section II: Les domaines de l’exercice des droits humains

Les situations de déni et de violation des droits de l’homme étaient plus fréquentes que celles concernant l’accès et l’exercice des droits. À l’exception du domaine de la participation sociale, cela était vrai pour tous les autres domaines examinés dans la présente étude – l’éducation, le travail, la sécurité du revenu et soutien, la vie privée et familiale, l’information et la communication, la santé, l’adaptation et la réadaptation, l’accès à la justice..

  • Les droits liés au domaine de la participation sociale ont été les plus abordés par les 46 personnes interrogées (100%). Celles-ci ont indiqué que ces droits étaient souvent bafoués en déclarant une forte incidence de non-respect pour la différence (83%), de dignité négative (80%), d’exclusion (72%) et de discrimination (61%). En contrepartie, les participants ont rapporté un grand nombre de situations de participation et d’inclusion (93%) et de respect pour la différence (74%).
  • Les femmes étaient plus susceptibles de signaler une expérience de discrimination et d’inégalité (46% vs 39%) ainsi que d’exclusion et d’inaccessibilité (46% vs 41%) alors que les hommes étaient plus susceptibles de signaler une expérience de manque d’autonomie (46% vs 43%).
  • Une proportion importante des répondants (70%) a rapporté ou entrepris des actions officielles comme porter plainte aux instances appropriées après avoir été confronté à une expérience de discrimination fondée sur le handicap.
Manque d’autonomie (homme)
43%
Manque d’autonomie (femme)
46%
Dignité négative (homme)
48%
Dignité négative (femme)
48%
Discrim. et ineg. (homme)
46%
Discrim. et ineg. (femme)
39%
Excl. et inaccess. (homme)
46%
Excl. et inaccess. (femme)
41%
Non-respect de la diff. (homme)
50%
Non-respect de la diff. (femme)
50%

Ben, des fois, ça peut aller jusqu’à m’empêcher d’aller dans certains endroits, parce que justement je ne suis pas capable. Même des bureaux du gouvernement, des endroits où ils sont obligés de me recevoir dans le corridor, je suis pas capable de me rendre, parce que c’est pas adapté. (DQD08, Homme, 50 ans)

Le fameux transport… c’est pas toujours évident… ben dans l’fond c’est surtout des fois on n’a pas les heures qu’on veut, y nous coupe nos temps… ou y sont dans les retards à n’en pu finir… (DQC11, Femme, 30 ans)

Quand tu rentre dans… comme dans les dépanneurs ou n’importe quoi parce que t’as pas accès de partout, parce que moi j’suis en quadri porteur… pis tu rentre pis y’a du monde tout suite qui disent au propriétaire ou même au caissier tu devrais pas parker ça icitte, ça pas d’affaire icitte… pis dans les restaurants on a d’la misère… (DQD09, Homme, 55 ans)

L’avion était supposé être là à cinq heure. L’information, sur les tableaux, c’était marqué annulé, vol reporté. Moi, je regardais ça. Qu’est-ce qui se passe ? Moi, je ne comprenais pas. J’entendais pas. Tout le monde entendait les appels, mais, moi, je suis sourde. On était là, on attendait. C’est quoi que tout le monde se promène pis c’est annulé ? Qu’est-ce qui se passe ? Fait qu’évidemment, comme je suis sourde, j’ai manqué beaucoup d’informations. (DQD10, Femme, 47 ans)

Section III: Le domaine de la participation sociale

Parmi tous les domaines d’exercice des droits, ce sont les droits liés au domaine de la participation sociale qui ont été les plus abordés par les 46 personnes interrogées (100%).

  • Les expériences de vie liées à ce domaine concernent, par ordre d’importance:
    1. l’accessibilité aux services et infrastructures publics
    2. la participation à la vie culturelle, aux loisirs et aux sports
    3. la participation à la vie publique et politique
    4. le libre choix du lieu de vie
  • En déclarant une forte incidence de situations de non-respect pour la différence (83%), de dignité négative (80%), d’exclusion (72%), de discrimination (61%) et de manque d’autonomie (57%), les participants de la région de Québec ont démontré que les droits liés au domaine de la participation sociale étaient souvent bafoués. Mais, en contrepartie, ils ont aussi rapporté un grand nombre de situations de participation, d’inclusion et d’accessibilité (93%) de même que de respect pour la différence (74%).
  • Les principaux obstacles à la participation sociale mentionnés par les participants sont l’accessibilité des infrastructures publiques (voirie, bâtiments et espaces publics), des transports (individuels et collectifs), des commerces (dépanneurs, restaurants, etc.), des équipements culturels et sportifs, l’exclusion sociale (attitudes, jugements et non-respect), le manque de sensibilisation à l’égard des personnes handicapées ainsi que l’insuffisance de mesures de soutien aux activités culturelles et sportives.

Le domaine de la participation sociale selon les principes de droits humains tel que vécu par les personnes ayant des incapacités de la région de Québec

Dignité positive
37%
Dignité négative
80%
Auto-Détermination
24%
Manque d’autonomie
57%
Particip., Inclusion & Access.
93%
Exclusion & Innaccesissibilité
72%
Non-discrim. & Égalité
9%
Discrimination & Inegalité
61%
Respect de la Différence
74%
Non-respect de la Différence
83%

Expérience vécue de participation, d’inclusion & d’accessibilité:

J’ai voyagé aux États-Unis, j’ai voyagé en Floride, surtout, et puis… je m’implique dans ben des choses, des organismes et je suis à la direction de trois organismes à ce moment-ci. C’est du bénévolat quand même, des organismes à but non lucratif. (DQD09, Homme, 55 ans)

Expérience vécue de manque d’autonomie et Non-respect pour la différence :

Des fois, je vais sur la rue, pis là, le monde voit que j’ai de la misère à monter sur le trottoir. Fait qu’ils sont là, ils prennent mon panier. Ça me choque parce qu’ils me demandent pas si j’ai besoin d’aide. Je me dis qu’ils me respectent pas, ils me forcent à accepter leurs règles. J’en ai pas besoin. (DQC06, Femme, 69 ans)

Expérience vécue d’exclusion et d’inaccessibilité:

Des situations, des frustrations… un groupe de sourd, nous sommes en retrait, c’est comme… on a comme pas assez de support pour les sourds, on a pas… des choses qui pourraient nous aider, pas beaucoup… … (DQD19, Homme, 63 ans)

Expérience vécue de discrimination et inégalité:

Depuis que je suis tombée en fauteuil roulant, il y a huit ans, y’a aucune sensibilité. Sensibilité envers toi, je veux dire. Quand tu vas au restaurant, ils te regardent déjà de travers pis ils te refusent. Pourtant, mon argent est aussi bonne que la leur. Dans ce temps-là, moi, je vire de bord. Je vire de bord à place de me chicaner pis je viens m’écraser dans la maison. Tu pleures, c’est normal, quand tu te fais dire que t’es pas la bienvenue, parce que t’es handicapée. Ça m’intéresse plus de me faire dire ça. (DQD07, Femme, 44 ans)

Section IV: Le transport adapté

Le transport a été identifié comme étant une problématique préoccupante pour près des deux tiers (63%) des participants de la région de Québec.

  • En effet, 13% des participants ont vécu des expériences de déni de l’exercice des droits humains en lien avec le transport en commun, 30% avec les taxis et 30% avec le transport adapté.
  • En regard du transport adapté, les expériences les plus évoquées par les participants concernent majoritairement deux principes de droits: le manque d’autonomie et le non-respect de la différence. D’autres situations ont aussi révélé des expériences de dignité négative ainsi que d’exclusion et d’inaccessibilité.
  • Les expériences vécues liées au transport adapté concernent par ordre d’importance:
    1. les retards et délais d’attente
    2. les horaires inflexibles
    3. les interruptions de services
    4. le manque de courtoisie
    5. l’absence de service sur certains territoires
  • Plus du tiers (36%) des participants ayant vécu des expériences négatives avec le transport adapté ont mentionné avoir porté plainte au fournisseur de service.
  • Les principales recommandations proposées par les participants sont : offrir une meilleure écoute des besoins; apporter des améliorations au système de réservation informatique; améliorer la planification des parcours; accroître le nombre d’heures de services, de voitures et de chauffeurs; répondre et faire un suivi des plaintes; assurer un service courtois et respectueux; offrir des horaires plus flexibles.

Portrait des participants de la région de Québec ayant vécu des expériences de déni de l’exercice des droits humains en lien avec le transport adapté (le nombre de participants = 14)

Tableau 1: Expériences de droits de l’homme a nié selon l’âge
Tranche d’âge Nombre
18-40 ans 3
41-55 ans 4
56-70 ans 7
Tableau 2: Expériences de droits de l’homme a nié par sexe
Sexe Nombre
Homme 5
Femme 9
Tableau 3: Expériences des droits de l’homme a nié par le handicap
Invalidité Nombre
Vision 2
Mobilité 12

ça m’est arrivé peut-être y’a quoi, deux semaines environ, j’ai pris le transport presque à tous les jours, pis y’avaient des retards autant à l’allée qu’au retour… des demi-heures, trois quarts d’heures à tous les jours… c’était une semaine à n’en pu finir… j’me souviens pas quand exactement, mais j’ai eu une fois où j’allais manger au restaurant pis j’ai pris quoi 20 minutes pour manger parce qui m’ont amené en retard pis y’ont v’nu me chercher plus tôt… donc, c’est ça… des situations comme ça qui arrivent des fois que bon… pour nos loisirs y vont nous couper ça, raccourcir notre temps… (DQC11, Femme, 30 ans)

Oh, oui. Le transport adapté. La semaine passée, je vais chez le médecin… ils sont venus me mener pour midi. Mon rendez-vous était à 11h30. Je suis arrivée en retard. Ils venaient me chercher, j’avais demandé à 1h30, 1h45 pis ils m’ont mis à 1h. À 1h, je les appelle, je leur dis, il était 12h50, que j’étais pas encore entrée dans le bureau du médecin. La fille dit : Vous nous rappellerez quand vous aurez passé. Correct. Là, je passe, j’appelle sur mon cellulaire, mais t’attends tellement maintenant. Fait que là, je leur dis que j’ai fini. La fille dit : On a tout cancellé. Vous avez plus de transport. (DQC15, Femme, 61 ans)

… y’avait un chauffeur que à un moment donné… ça fait 17 ans qui y’est là… mais y’a comme un agressivité l’gars… lui y’a l’droit d’être en retard, y’a l’droit d’faire s’qui veut… toi t’as une minute de retard « t’as rien qu’à leur dire qui t’envoient avant, moi je t’attendrai pas… » pour une minute là… wow wow… pis j’lé vu bourrasser des handicapés, j’ai été obligé d’aider, moi y’est pas obligé de m’aider là… mais un moment donné j’va m’fâcher là… j’va l’pogner… (DQD05, Homme, 52 ans)

Quand t’as rendez-vous chez le médecin, il t’appelle la veille. Il faut que tu y ailles, t’as pas le choix, mais il faut que tu prennes un taxi, parce que tu peux pas appeler vingt-quatre heures à l’avance. Ça, je trouve ça sans génie. L’autobus, c’est deux piasses et demie pis le taxi, c’est seize, vingt piasses. Moi, je vais souvent à l’hôpital Sainte-Foy, ça s’appelle l’hôpital Laval. Ça coûte assez cher. (DQD07, Femme, 44 ans)

Recommandations

Dans l’optique de poursuivre la démarche de recherche participative dans laquelle s’inscrit le projet Disability Rights Promotion International Canada (DRPI-Canada), l’équipe de la vigie de Québec a rendu publics les résultats de l’enquête sur l’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités de la région. Ainsi, le 6 juin 2011, des personnes ayant des incapacités et des représentants des organismes de défense de droits ont été invités à participer à cette activité qui visait à échanger sur les résultats et émettre des propositions afin d’améliorer la situation de leur exercice des droits. Les échanges avec les participants ont permis de valider et d’enrichir le contenu du rapport de recherche.

Les participants à la réunion de consultation sont présentés dans la salle
Les participants lors de la présentation des résultats

La journée s’est ouverte avec la présentation de Normand Boucher Ph. D., cochercheur du projet DRPI et chercheur au Centre interdisciplinaire en réadaptation et intégration sociale (CIRRIS). Outre le dévoilement des résultats, cette présentation fut également l’occasion d’expliquer le déploiement du projet DRPI au niveau international, le volet canadien et ses activités dans les quatre sites de même que les étapes de la réalisation du projet dans la Ville de Québec. Les participants ont ensuite eu l’occasion d’échanger sur les résultats énoncés ainsi que, durant l’après-midi, sur des propositions de recommandations visant l’amélioration de l’exercice des droits humains.

Les participants sont présentés dans la session d'échanges lors de la présentation des résultats
Séance d’échanges lors de la présentation des résultats

La présentation des résultats a suscité plusieurs commentaires de la part des participants qui, dans l’ensemble, n’étaient guère surpris du portrait de l’exercice des droits humains révélé par l’étude. En effet, les participants ont mentionné que les résultats représentaient un portrait fidèle de ce qu’ils entendent sur le terrain et dans les divers organismes de défense de droits. Par ailleurs, ils ont souligné et apprécié l’aspect concret et structuré de l’étude qui constitue selon eux un outil permettant de faire avancer les droits et les revendiquer.

Plus particulièrement, l’accessibilité, le transport en commun, les mesures de compensation et le non-respect de la différence figurent parmi les sujets ayant le plus animé les discussions. Entre autres, les participants ont constaté que plusieurs situations recensées de déni de l’exercice des droits étaient en lien avec les attitudes et comportements sociaux et ont dénoncé ces situations en rappelant qu’il arrivait trop souvent encore que l’on s’adresse à une personne ayant des incapacités, sensorielles ou intellectuelles par exemple, via son accompagnateur ou interprète et non à la personne elle-même. Du respect de la différence à l’accessibilité de l’environnement physique et social, les participants ont souligné le fait qu’elles avaient, les personnes ayant des incapacités, un rôle à jouer afin de sensibiliser elles-mêmes activement la population à leurs besoins et droits de même que l’importance de trouver des solutions universelles satisfaisant l’ensemble des besoins, peu importe le type d’incapacité. En ce sens, rien ne sert d’habiller Paul pour déshabiller Pierre illustre un participant.

Selon eux, rendre la société plus inclusive est nécessaire afin de permettre aux personnes ayant des incapacités d’exercer leurs droits en toute égalité et de leur offrir un accès réel, soit la possibilité de choisir et d’utiliser les mêmes services et équipements sociaux que ceux offerts à la population générale. Mais cela implique également, selon certains participants, de changer les pratiques et les attitudes et ainsi de lever les barrières psychologiques que certaines personnes s’imposent elles-mêmes. L’exigence de cette perspective a été signalée par un participant qui se demande : veut-on vraiment être inclus?. L’important, répond un autre participant, c’est d’avoir le choix, c’est-à-dire la possibilité d’utiliser les mêmes services et équipements publics que les personnes sans incapacités.

Les participants sont présentés dans l'échange de propositions de recommandations
Les participants échangent sur des propositions de recommandations

La seconde partie de la journée fut consacrée à la proposition de recommandations visant à améliorer les conditions d’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités. Les participants se sont penchés sur de nombreuses priorités d’intervention telles que, entre autres, les services sociaux et de santé, le cadre législatif, la sensibilisation, les mécanismes de plaintes et l’accès à l’information. Un constat semble émerger de ces discussions : C’est épuisant, on est tanné de se battre avoir accès à des services auxquels on a droit. Conséquemment, plusieurs recommandations ont été proposées:

  • Afin de changer les attitudes négatives envers les personnes ayant des incapacités, l’Office des personnes handicapées du Québec devrait mettre en œuvre d’avantage de programmes de sensibilisation et d’éducation populaire.
  • Rendre la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale mplus contraignante afin d’améliorer son application et le respect de ses dispositions : L’étape des beaux discours est terminée, on en est au concret maintenant.
  • Exiger de la Ville de Québec de respecter les normes et obligations des mécanismes en place visant l’amélioration de l’accessibilité.
  • Favoriser l’empowerment des personnes ayant des incapacités afin de les encourager à surpasser les obstacles, mettre en pratique leurs droits et les revendiquer.
  • Changer les attitudes négatives et la rigidité des intervenants des services de soutien qui imposent souvent leurs solutions sans donner le choix à la personne ne considérant ainsi pas ses besoins.
  • Accroître les ressources humaines et financières des CLSC afin de leur permettre d’offrir plus de services et de diminuer les listes d’attente. Actuellement, il y a un manque de suivi et d’information dans les services de santé et de soutien entre le séjour à l’hôpital et le retour à domicile. Les personnes ont besoin davantage de services et ne savent pas où les demander. Les CLSC devrait être en mesure de soutenir de manière plus efficace la participation sociale des personnes ayant des incapacités. Ils devraient également mieux former leurs intervenants à la réalité des personnes ayant des incapacités et à l’ensemble des services existants destinés à ces personnes.
  • Améliorer les mécanismes de plaintes afin d’assurer la continuité et la qualité des services après qu’une personne ait porté plainte. Plusieurs participants affirment avoir peur de représailles, voir de coupure de services, et dénoncent le pouvoir des intervenants au sein de l’appareil. Ça ne donne pas le goût de porter plainte et de revendiquer ses droits…
  • Reconnaître la langue des signes québécoise (LSQ) dans la Charte de la langue française afin d’encadrer son utilisation et ainsi étendre son utilisation aux différentes sphères d’activités, comme l’éducation.

Selon les participants, il est primordial de soutenir davantage les personnes ayant des incapacités afin qu’elles participent pleinement aux activités sociales, économiques, culturelles et politiques et ne soient pas, tel qu’elles se sentent socialement perçues, vues comme un fardeau pour la société, des bénéficiaires de services ou de simples gens subventionnés. Pour cela, les participants recommandent, d’une part, de rendre disponibles les ressources nécessaires afin d’accroître les services de soutien et d’assurer, d’autre part, l’application des normes et dispositions légales contenues dans le cadre législatif. Toutefois, malgré la reconnaissance des droits et l’existence de lois et politiques, il revient aux personnes ayant des incapacités d’exercer et de revendiquer leurs droits afin de les rendre existants. Car, les droits ne s’appliquent pas d’eux-mêmes, ils sont exercés dans un rapport de forces constant formant un processus politique. Dans les échanges entourant les mécanismes de plainte existant et leur fonctionnement, il est intéressant de constater les craintes de représailles ou de conséquences négatives exprimées par les participants rejoignent celles qui ont été identifiées dans le cadre de la vigie. Cette situation est importante et mérite d’être davantage approfondie sur le plan de l’analyse mais d’être également pris en considération dans le développement d’activités de sensibilisation. Et c’est en assurant un suivi rigoureux de ce processus que l’exercice de ces droits pourra être favorisé. D’ailleurs, en jetant leur regard vers le passé, les participants constatent avec béatitude les avancées dans le domaine de l’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités.

Conclusion

En guise de conclusion, il y a plusieurs éléments qui doivent être soulignés d’un trait rouge afin d’en préciser le rôle clé qu’ils ont joué et qu’ils jouent encore dans cette démarche unique de vigie de l’exercice des droits humains des personnes ayant des incapacités. Aussi doit-on insister d’entrée de jeu sur le caractère de de l’autonomie individuelle et des capacités des acteurs collectifs qui animent cette démarche tant au plan local qu’international en plaçant au centre les personnes ayant des incapacités et leurs associations. Leur participation au développement de la démarche par le biais notamment du séminaire de formation portant tantôt sur les droits humains appliqués dans le champ du handicap tantôt sur la manière de réaliser une entrevue individuelle dans le but d’obtenir de l’information concernant la situation souvent sensible vécue par la personne ayant des incapacités alimente la dynamique de l’équipe de moniteurs.

Note #2
Cet échantillon a été établi en se basant sur les données statistiques régionales disponibles provenant de l’enquête québécoise sur les limitations d’activités de 2001.
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Les résultats que nous avons présentés dans ce rapport mettent en lumière l’importance de certains obstacles à l’exercice des droits comme l’inaccessibilité de l’information, de l’environnement bâti, des transports, etc. La composition de notre échantillon2 comprenant majoritairement des personnes ayant des incapacités motrices peut expliquer la prédominance de certains obstacles en lien avec l’accessibilité. Le même facteur peut également expliquer la faible représentation de certains domaines d’activités comme l’éducation ou encore la nette prépondérance de d’autres comme celui de la participation sociale. On note aussi à la lecture des témoignages que l’existence, malheureusement encore tenace, de préjugés et d’attitudes négatives à l’égard des personnes qui ont des incapacités constituent autant d’obstacles à leur participation aux activités ordinaires de la société; ce qui fait naître chez plusieurs d’entre elles, lorsque questionnées à cet égard, le sentiment, de ce que l’on nomme dans l’étude comme étant de la dignité négative, d’être non respectées et d’être traitées différemment en raison de leurs différences fonctionnelles.

Il semble que cette situation ne se limite pas à la région de Québec selon les données de l’enquête sur la participation et les limitations d’activités (EPLA) de statistiques Canada. En effet, une personne de 35-54 ans ayant des incapacités sur quatre (25%) affirme avoir été victime de discrimination alors que 61% des personnes ayant des incapacités (PAI) constate que les attitudes et les comportements à l’égard des PAI n’ont pas changés depuis les cinq dernières années au Québec (ISQ, 2010). À cet égard, il n’est pas surprenant que la première recommandation des participants concerne la réalisation d’activités de sensibilisation de la population à l’égard de leur situation.

Lorsque l’on aborde la question de la réaction vis-à-vis des situations de discrimination, l’analyse des données révèle une certaine ambivalence ou parfois même une ambiguïté parmi les participants. En effet, on observe qu’une partie d’entre eux a dénoncé la situation soit en portant plainte soit en la signalant à une tierce personne alors qu’une seconde partie a préféré ne rien faire pour des raisons de faible efficacité des mécanismes existant ou par manque d’énergie. L’élément lié au manque d’efficacité du système existant mérite d’être davantage approfondi dans le cadre d’autres réflexions, car il existe bel et bien, dans le contexte québécois et canadien, un ensemble de procédures et de mécanismes qui permettent aux personnes qui considèrent que leurs droits ne sont pas respectés d’y faire appel. Sur la base des expériences recensées, il apparaît nettement qu’il y a un manque de confiance à leur égard ou encore que le processus soit trop long et compliqué alors vaut mieux laisser tomber car cela ne donne rien de toute façon.

Au terme de cet exercice, il faut insister sur le fait que cette démarche de vigie et de suivie de l’exercice des droits humains par les personnes ayant des incapacités est un incontournable car il ne suffit pas de les enchâsser au plan législatif et administratif mais aussi les exercer, et cela se révèle être un processus éminemment politique.